jeudi 31 mars 2011

La fenêtre en face

Elle se tient debout, le regarde perdu, vide, sans expression. Ses cheveux ont l'air gras et tout emmêlés. Ses joues sont creuses, ses lèvres n'ont plus vraiment de couleur. Elle se tient là debout et c'est comme si elle me regardait. Son regard me donne la chair de poule et je ne peux plus bouger. Est ce que c'est moi qu'elle regarde? Là bas de sa fenêtre, de l'autre côté de la cour. Son air hagard me fait frissonner. Je remarque qu'elle est nue. Sa peau est bleue par endroit. Elle n'a presque pas de seins. Des petits tétons bruns posés sur deux petites bosses. Et elle est là immobile, les bras le long du corps comme s'ils ne lui appartenaient pas. Les murs derrière elle sont gris. Et ce gris contraste avec la blondeur de ses cheveux et la pâleur de son teint. Tout est terne derrière sa fenêtre. Est ce que sa vie est terne aussi? J'essaie de lui sourire. Pour que le gris autour d'elle soit moins gris. Et rien ne change, toujours la même expression vide. Et j'aperçois que son bras se lève lentement. Très doucement elle le tend vers moi en ouvrant la main. Son geste est si soudain malgré sa lenteur que j'ai un mouvement de recul. La surprise peut être. Mais cela à suffit à ce qu'elle le baisse à nouveau. J'ai tendu le mien pour qu'elle voit que je ne voulais pas l'ignorer, mais elle ne communiquait déjà plus. J'ai vu son regard se porter au loin parce qu'elle n'avait pas pu trouver d'ancrage en moi. Elle a reculé d'un pas et a refermé ses fenêtres. Les murs gris ont disparus et je ne les ais plus jamais revu.

1 commentaire:

  1. J'aime bien ce texte. Vas savoir pourquoi cela me fait penser à une dame que je connaissais qui était Alzheimer qui restait amorphe 95 % du temps. Puis soudain elle traversait une phase de lucidité et se mettait à parler. Le plus souvent sont entourage était tellement sous le choc qu'avant qu'ils se remettent pour converser avec elle, elle était déjà repartie dans le néant. Ce qui me choquait le plus c'était ses yeux. Un coup vifs, lumineux, vivants puis soudain éteints et vides. Cela me fait penser à tes fenêtre dans ton texte qui s'ouvre puis se ferment sur cette pauvre dame.

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