mercredi 13 avril 2011

Dans la forêt

Maman est partie. Partie, et moi je suis seule maintenant. Je ne verrais plus ses lèvres rouge s'arrondir de stupeur pour juger ma dernière bêtise. Sa voix ne me fera plus de reproches. Maman m'a quittée, elle a rendu son dernier souffle au creux de ma main, comme pour me blesser une dernière fois. Tiens, prend ma fille, essaie de vivre avec ça! Et j'avance le poing fermé depuis. Je me traîne le long du chemin. Avant avec maman, j'allais cueillir des champignons. J'étais petite dans mon ciré jaune qu'elle me forçait a enfiler quel que soit le temps. Jamais elle ne m'a laissé en cueillir un seul de peur que je me trompe, que je le coupe mal, que je le choisisse mal. Je ne sais plus pourquoi elle m'emmenait cueillir des champignons parce qu'elle n'en cueillait pas non plus. Elle se tenait devant accroupi avec le bord de sa robe qui traînait dans la terre et elle regardait les champignons. Parfois j'osais approcher tout près, trop près parce que j'écrasais sa robe mais elle ne disait rien, son silence était tourné vers les champignons qui pointaient leurs nez hors du sol. Jamais je n'ai résolu le mystère des champignons et quand j'y repense je frissonne, comme si le vent de la forêt s'engouffrait sous mes vêtements comme des années plus tôt. Maintenant ma mère est partie et je ne saurais pas pourquoi elle m'emmenait grelotter dans la nature pour voir des cèpes et des girolles. J'essaie très fort de me souvenir des derniers mots que je lui ais dit, des derniers moments que l'on a passé ensemble mais je ne me rappelle que des petits chapeaux dans la terre. C'est tout ce qu'il me reste d'elle avec son souffle dans mon poing fermé. Mon regard se perd loin et les souvenirs affluent. Maman devant l'évier avec son tablier bleu, maman devant la baignoire qui agite l'eau du bain, maman qui me berce parce que papa n'est plus là, ma maman à moi qui me protégeait, qui me prenait la main pour que jamais je ne la quitte, pour que jamais je ne m'enfuie. Et je me suis enfuie, je lui ais brisé le coeur et jamais elle ne me l'a pardonné. Même pas avec toutes les cartes postales que je lui envoyais de partout, elle me faisait la grimace et se plaignait que jamais je n'aurais de vie. C'était ça ma vie, mais sa vie c'était moi et je l'ai laissée. Aujourd'hui c'est elle qui m'a laissé et elle a brisé mon coeur. Elle aurait pu se battre mais ne l'a pas fait parce que j'ai été égoïste et qu'elle n'avait rien d'autre que moi dans la vie. Comme je n'étais pas là elle s'en est allée. Alors j'ouvre mon poing et je dis va maman, maman d'amour va retrouver tes champignons dans la forêt.

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